Étude de M. Jean-Michel SOLANS (2005)

Introduction :

Captieux est une petite ville située à la limite des départements de la Gironde et des Landes. Elle donne aux visiteurs de passage l'apparence d'un bourg dynamique avec ses commerces situés le long de la route reliant Bordeaux à Pau.
Ce chef-lieu de canton de la lande girondine a connu au cours des siècles de nombreuses vicissitudes.
Siège d'une baronnie, la ville était entourée de murailles, dotée d'un château et pourvue d'un couvent. Au début du XVIIIe siècle il ne reste aucun vestige de ces bâtiments.
Au XVIIe et au XVIIIe Captieux perd son statut de ville et sa population semble fortement diminuer, mais au cours du XIVe l'exploitation forestière et ses activités dérivées redonnent vie à cette commune qui à nouveau prend de l'importance.


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La baronnie de Captieux :
Évènements :
Sous l'Ancien Régime, dépend de la vicomté de Gabardan sans que nous sachions depuis quelle époque. La famille de Gabaret très influente durant la période médiévale, possède de nombreux fiefs en bazadais. Au début du XIIe siècle le mariage de Pierre II avec Giscarde de Béarn entraîne la réunion du Béarn et du Gavardan. En 1290 Gaston VII Moncade en mariant sa fille Marguerite avec Roger Bernard III de Foix, provoque l'union des maisons de Foix et du Béarn. Plus tard suite à des successions complexes et diverses alliances, les Foix Grailly leur succèdent. Le mariage de Catherine de Navarre, héritière des Foix-Grailly avec Jean d'Albret, puis l'avènement de Henri III de Navarre comme roi de France font que l'ensemble des biens de cette famille intègre la couronne de France.
Les archives provenant de l'Intendance, ainsi que quelques actes notariaux permettent de mieux connaître la baronnie de Captieux au XVIIIe siècle.Cependant, avant d’évoquer ces documents il nous a paru intéressant de résumer les quelques évènements connus, concernant Captieux, antérieurs à cette époque.
1273 : Pierre de Cabanes et Guillaume de Lugarosse de Captieux sont tenus au devoir d’étage envers leur seigneur Gaston de Béarn. Des terres dépendent d’une certaine dame Constance, vraisemblablement Constance de Béarn, fille de Gaston VII Moncade.
1344 : Quelques habitants de Captieux se rendent à Mont de Marsan pour rendre hommage à Gaston Fébus, vicomte de Béarn.
1381 : Au cours des guerres entre Béarnais et Albrets une troupe d’environ trois cent hommes venus du Béarn s’installe à Captieux afin d’isoler le pays d’origine des Albrets de leurs possessions du Néracais.
1414 : Des représentants de la ville de Captieux assistent, à Orthez, aux honneurs funèbres d’Archambaud de Grailly.
1425 : La comtesse Isabelle de Foix signe une ordonnance qui défend aux gens des pays de Béarn, Marsan, Gabardan toute activité hostile aux anglais et de laisser les sujets du roi d’Angleterre en toute liberté aller et venir pour vaquer à leurs affaires dans sa terre de Captieux.
1571 : Jeanne d’Albret couche à Captieux.
1581 : Henri IV dîne à Captieux.
1612 : Jean de Viert passe par Captieux et réalise un dessin de la ville.
1621 Au cours des guerres de religion on poursuit les rebelles notamment ce qui composent la garnison de Captieux.
1660 : Louis XIV, revenant de Saint-Jean-de-Luz, où il s’est marié, passe une nuit dans la ville alors que se produit un tremblement de terre.
1674 : La noblesse des sénéchaussées de Périgueux, Sarlat et Bergerac se réunit à Captieux convoquée par le Maréchal d’Albret pour repousser les invasions probables des Hollandais et des Espagnols.

Documents
En 1604, un premier document fait mention de la baronnie de Captieux dépendant du roi avec d’autres territoires auxquels elle est associée: le Marsan, le Tursan et le Gabardan. Jusqu’en 1712 cette baronnie reste une terre royale dans le ressort de la sénéchaussée de Casteljaloux, le roi faisant prélever les revenus par un fermier. Par un édit d’août 1708, Louis XIV prend la décision de vendre des parties de son domaine à des particuliers, avec possibilité de les racheter quand bon lui semble. Cette mesure doit être mise en relation avec les difficultés financières que le roi rencontre lors de la guerre de succession d’Espagne. C’est ainsi qu’il vend aux enchères la baronnie de Captieux, provoquant l’indignation et les récriminations des sujets de cette terre. Les faits sont rapportés avec une extrême minutie dans un dossier de l’Intendance comportant vingt deux pièces, qui permet de comprendre les motifs de cette indignation et de suivre les moyens employés pour faire annuler cette vente. Le point de vue des habitants s’exprime à travers une requête adressée au roi pour qu’il revienne sur sa décision. Il montre que l’acquéreur, Etienne Forest, un banquier expéditionnaire en cour de Rome, a acheté cette seigneurie clandestinement, sans faire procéder aux affichages réglementaires qui doivent faire connaître aux paroissiens l’objet et les conditions de la vente. Etienne Forest est devenu propriétaire, après avoir acheté nombre de métairies dans cette terre de Mr le comte de Belhade sans débourser force argent, il a voulu devenir le seigneur de cette terre, il s’en est fait faire clandestinement et par surprise une adjudication pour la somme de 11000 livres seulement, dont le seul titre de baron et le droit de chasse devrait coûter à un particulier la dite somme. Ce comte de Belhade est Mathieu de Pontac. Etienne Forest a été le seul adjudicataire et la vente fut faite le 19 novembre 1712 pour la somme de 11120 livres, à laquelle s’ajoutent les divers frais ce qui fait un total de 12873 livres 17 sols 10 deniers. L’autre objet de récrimination tient à la personne même du nouveau seigneur ; la communauté représente qu’il n’est pas convenable que le dit sieur Forest, sans nom et sans qualité, veuille être le seigneur de plusieurs personnes qui sont seigneurs, geantils-hommes, magistrats, officiers, bourgeoisie considérable, qui n’ont voulu avoir du bien dans cette terre que pour se soustraire de la domination d’un seigneur particulier et être éternellement les fidèles vassaux de leur Roy. Ainsi les principaux propriétaires de biens dans cette terre royale, bourgeois et nobles de Bazas, Casteljaloux ou autres lieux voisins, refusent de passer sous la tutelle d’un seigneur non noble. En particulier ils tiennent à conserver la justice royale et ne veulent pas d’une justice seigneuriale. Ils avaient donc veillé depuis l’édit d’aliénation de 1708 à ce que personne ne cherche à s’approprier cette baronnie ; on comprend aussi dès lors le pourquoi de l’achat clandestin d’Etienne Forest. Le 11 juin 1713, les habitants de la seigneurie se réunissent et décident d’obtenir de Louis XIV, l’annulation de cette vente et le maintien de la justice royale. L’arrêt du conseil du roi du 22 août 1713 répond à leur attente contre le remboursement intégral du capital et des frais engagés par Etienne Forest. L’ensemble des droits est attribué à la communauté, la justice reste royale. Mais il faut que la communauté puisse rembourser en une seule fois l’acquéreur et elle obtient également l’autorisation du roi de pouvoir emprunter la somme nécessaire. Elle désigne un syndic, Bernard Patarin, qui emprunte, par acte du 30 janvier 1714, 12500 livres à Jacques Fossier de Lestard, seigneur d’Olivier, conseiller au parlement de Bordeaux, président de la chambre des requêtes. L’acte précise que la communauté dispose de six ans pour rembourser la somme et qu’au bout de ce délai, le préteur pourra poursuivre la communauté ou ses habitants en justice. Les revenus de cette seigneurie servent à rembourser les intérêts dus par la communauté au préteur.En fait, la communauté n’a jamais effectué le remboursement à Jacques Fossier de Lestard, lequel reste bénéficiaire de cette baronnie et de ses revenus jusqu’en 1739 en toute tranquillité. En 1735, ce dernier charge Jean Lamonde, maître chirurgien, et Arnaud Laneluc marchand, tous deux de Captieux, de percevoir les revenus de Captieux et Lucmau à compter du 1er janvier 1734 pour une durée de sept ans et pour un montant de 650 livres. Mais un vol commis dans une auberge de Captieux en 1739 remet alors tout en cause. Ce vol aboutit à l’obligation pour Arnaud Laneluc de verser 579 livres au greffier de la sénéchaussée de Casteljaloux, soit la quasi totalité des revenus de la baronnie. Ces démêlés judiciaires aboutissent à l’abandon de cette terre par Jacques Fossier de Lestard au profit de Charles Philippe de Pons en 1740 contre le versement de 13379 livres 3 sols 4 deniers. Ce nouveau seigneur provoque la colère des habitants de Captieux qui cherchent encore à obtenir du roi Louis XV les mêmes dispositions que celles de 1713, mais en vain. Ainsi Charles Philippe de Pons, déjà seigneur de Cazeneuve, Castelnau de Cernès, Balizac, avait acquis en 1739 la baronnie de Villandraut et devient seigneur engagiste de celle de Captieux. La possession de cette dernière seigneurie lui permet de conforter sa position dans le bazadais méridional. Charles Philippe de Pons vit alors à Paris où il exerce une brillante carrière militaire. L’argent provient de la dot de sa femme, Charlotte Emmanuelle de Lallemant, qu’il avait épousé en 1736. C’est d’ailleurs son beau-père qui est chargé d’assurer la gestion de l’ensemble des biens, comme le montre la prise de possession de Captieux en 1742. La gestion des revenus de Captieux reste confiée pour l’année 1741 à Arnaud Laneluc. Par la suite, jusqu’à la Révolution, la gestion de cette seigneurie dépend de l’intendant de la famille de Pons, installé au château de Cazeneuve, dans la paroisse d’Insos. Les revenus sont confiés à des fermiers, comme en témoignent plusieurs actes notariés. En 1746, les frères Labrousse, négociants de Beaulac et Antoine Dumon, marchand de Lucmau, perçoivent ces revenus pendant cinq ans contre 400 livres par an. Alexandre Labrousse, contrôleur des fermes de Beaulac, les obtient en 1750. Jean et Pierre Alexandre Labrousse, receveurs des fermes de Beaulac les détiennent en 1768 pour 850 livres pour une durée de neuf ans. Enfin, en 1785, Arnaud Basterot, également contrôleur des fermes à Beaulac, est fermier de ces revenus pour neuf ans et 600 livres par an. La Révolution fit disparaître cette baronnie.
Étendue et revenus de la baronnie
Comme indiqué dans les différents actes ayant servi à cette étude, la baronnie de Captieux comprend la totalité des paroisses de Captieux et de Lucmau et une partie de la rive gauche du Ciron pour Bernos comprenant les quartiers de Pinguet et de Laoué. En gros sont exclues de ce territoire,les possessions de la famille de Laboyrie situées dans le quartier dit du Boscage. On entre dans la baronnie de Captieux au pont de Beaulac où existait un bureau d’octroi.
La ville de Captieux :
Deux documents nous permettent d’effectuer une comparaison. L’esquisse réalisée par Jean de Viert en 1612 et le cadastre napoléonien datant de 1838.
En 1612, on aperçoit une tour imposante qui devait faire partie du château,l’église en forme de croix avec un clocher carré. La ville est entourée de remparts et semble s’étirer le long du ruisseau du Junca. On aperçoit un clocher et des bâtiments imposants qui doivent correspondre au couvent des Cordeliers. Plus à droite une autre bâtisse importante existe. Le nombre de maisons est considérable et montre que la ville est assez importante. La vue semble dessinée depuis le quartier de l’Aouzillère ou n’existe, semble-t-il, à l’époque, aucune maison. En 1838, la partie ou se trouvait la ville ancienne n’est pratiquement plus construite. Un nouveau bourg s’est formé le long de la route royale et autour de l’église qui semble avoir été reconstruite sur le même emplacement. En 1604 le château était gardé par Gaulacq, capitaine de la tour de Captieux. Dans ce même texte il est dit que le roi, en tant que baron de Captieux tient et possède la tour de la ville avec les jardins et préclotures et un grand pré appelé à Praderes. La démolition de cette tour date de 1620/1621 ; on en trouve la mention indirecte dans une ordonnance du 27 janvier 1622 interdisant aux habitants de Captieux d’emporter les pierres provenant de la démolition de la tour et toutes autres choses provenant du château. Nicolas Charpentier, en 1703, montre que plusieurs personnes ont accaparé les espaces vacants depuis la démolition du château ; "la ville royale de Captieux "ayant esté entièrement démolie avecq le château et forteresse quy estoit dans "icelle despuis lequel tams sa miesté n’en avoit retiré aucuns revenus …..une "piece de terre en pascage ou espece de préau lieu appellé a la tour quy étoit "l’ancien château de Captieux de la contenance de quatre journaux ou environ quy "confronte du levant à l’ancien mur de la ville de Captieux, du midy a mr de "Pontac, couchant à Jean et Pierre Fumat, du nor a un ruisseau a prendre au coin "du pré de Mr de Pontac jusqu’au moulin desdits sieurs Fumas." La prise de possession par le Marquis de Pons, en date du 8 novembre 1742, évoque la place ou estoit le château de la ditte ville, actuellement appellé à la Tour, dont il ne paroit presque plus de vestiges, ayant été anciennement rasé, de même que les murs de la dite ville. Que s’est-il passé vers 1620. Nous l’ignorons mais il est possible que Captieux, restée fidèle au Béarnais et certainement favorable aux huguenots, ait été rasée durant les guerres de religions comme bien d’autres villes du sud-ouest.