Étude réalisée en 1997 par Paulette Fontaine, Henri Portes et Jean-Michel Solans avec la participation de l'Association des Parents d' Élèves

Historique de l'École Publique à Bernos

SOMMAIRE : Les grandes étapes du XIXe siècle. Les premiers pas. La première école de garçons. L'école des filles. Évolution de la fréquentation scolaire. La gratuité et ses conséquences. Construction de l'école des filles. Extension de l'école des garçons. Les travaux à la fin du XIXesiècle. Les instituteurs. Les institutrices. Souvenirs d'une écolière du début du XXe siècle.


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LES GRANDES ÉTAPES AU XIXe SIÈCLE : De la constitution de 1791 aux lois Ferry dans les années 1880, le système scolaire se met peu à peu en place.

Toutes ces décisions gouvernementales façonnent peu à peu l'enseignement primaire et mettent bien souvent les municipalités dans l'embarras. Elles les appliquent tant bien que mal au prix d'énormes sacrifices financiers. Au départ seules les familles aisées envoient leurs garçons à l'école ? La scolarité des filles, puis à la fin du XIXe l'obligation scolaire, entraînent des problèmes relatifs aux locaux. Bernos fera toujours face, parfois avec un décalage important dans le temps, mais toujours avec une réelle volonté des municipalités successives.

LES PREMIERS PAS :
En 1786, au niveau national, 37% des personnes signent leurs actes de mariages. A Bernos de 1700 à 1792, sur 688 mariages recensés, seulement 25 hommes et 13 femmes ont signé. Dans tous les cas il s'agit de nobles ou de bourgeois peu nombreux la majorité de la population étant constituée de cultivateurs. Bien souvent ces familles aisées engagent un précepteur, tel Pierre Roumazeilles qui en 1743 offre un logement au sieur Cappes, régent, celui-ci devant en contrepartie apprendre à lire et écrire à son fils.
En 1790,Jean-Pierre Andreu est qualifié de maître d’école. Une école mixte fonctionne à Bernos dès l’an III. L’instituteur de Rancy achète, durant la période révolutionnaire, la métairie de l’église vendue comme bien national (actuelle maison Ducos à côté de la mairie). Vers 1800, E. Rotges mentionne une école particulière peu fréquentée et médiocrement dirigée. De l’an X à 1816, une école primaire de garçons existe. Cependant les travaux agricoles causent sa dépopulation. On occupe les enfants dès qu’ils peuvent marcher à la garde des bestiaux et aux ouvrages d’agriculture appropriés à leur âge et à leur force. . .” Le premier instituteur vraiment connu est Pierre Boudey qui exerce dès 1813 et remplit, à partir de 1814, la fonction de maire. Autorisé par le recteur d’académie le 17 décembre 1814, il fait la classe à environ 25 élèves dont certains viennent des communes voisines. Nous sommes sous la Restauration, période durant laquelle la surveillance des écoles est confiée à des comités cantonaux sur lesquels le clergé a une grande influence. Les évêques nomment les instituteurs. L’instruction primaire est fondée sur la religion, le respect pour les lois et l’amour dû au souverain. Lors de l’enquête réalisée en 1828 par le clergé, d’Avil, curé de Bernos, juge l’instituteur communal :"D’une conduite publique à l’abri de tout reproche, doué de moyens suffisants d’enseignement pour un village, mais manquant un peu de mode et de talent à gouverner les enfants, exact à son service, M. Pierre Boudey a je crois de bons principes religieux mais comme beaucoup d’autres il n’en suit pas les conséquences. Le torrent l’entraîne. D’ailleurs, très assidu aux offices, il néglige le devoir pascal et ne veille pas assez sur la conduite religieuse des enfants. Quant à ses principes monarchiques, je le crois dévoué à la dynastie régnante tant qu’elle régnera”. En 1831, Thomas Andreu succède à Pierre Boudey. En 1834, deux candidats se présentent. La municipalité retient la candidature de Germain Carrau sans avis préalable du comité local qui, de son côté, présente Pierre Daney. Ce dernier est choisi, tandis que Germain Carrau et Marie Dubernet son épouse semblent diriger une école privée au quartier de Jarroudic. Durant toute cette période, nous ignorons dans quels locaux se déroule la classe, vraisemblablement au domicile de l’instituteur.

LA PREMIÈRE ÉCOLE DE GARÇONS : Dès 1832, le conseil municipal se préoccupe de rechercher un lieu pour assurer l’enseignement. Dans une lettre adressée au sous-préfet, le maire Pierre Boudey signale: “ la commune ne possède pas d’autre local que la mairie composée seulement d’une chambre. Quelques membres du conseil municipal désirent que cette pièce soit destinée à l’instituteur. L’autorité municipale ne pouvant s’en dessaisir, le maire propose de voter les fonds nécessaires pour la construction d’une maison d’école”. . . Ce projet, faute de moyens financiers, ne voit pas le jour. En mars 1838, après plusieurs interventions de la sous-préfecture rappelant les termes de la loi Guizot qui impose aux communes d’entretenir une école, des plans et devis sont présentés au conseil municipal. La dépense entraînée s’élève à 4526 francs. La commune venant de réaliser d’importants travaux au presbytère, ne peut subvenir seule aux frais de construction et envisage de couvrir la moitié de la dépense au moyen d’une imposition extraordinaire pendant trois ans, l’autre moitié devant être assurée par un secours du Ministère de l’Instruction Publique. Le conseil municipal et les plus forts imposés donnent à l’unanimité leur accord, " attendu que nulle obligation ne peut être plus impérieuse que de pourvoir à la construction d’une maison d’école. Les autorités supérieures n’accordent pas la subvention espérée, aussi le financement est-il revu à plusieurs reprises. Finalement, seulement 500 francs de secours sont alloués. La municipalité doit alors prolonger l’imposition extraordinaire d’un an et faire un emprunt de 2400 francs auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations, afin de payer l’entrepreneur chargé des travaux. Jean Bordes, maçon à Bernos, édifie le bâtiment, au cours de l’année 1840, sur un terrain acquis à la famille Roumazeilhes. La maison d’école, composée d’une salle de classe et du logement de l’instituteur, accueille dès 1841 une trentaine d’élèves dont certains vivent à Pompéjac, commune réunie à Bernos pour l’instruction primaire. L’ancienne halle de la mairie sert de préau pour la récréation. Le nombre d’enfants scolarisables est cependant beaucoup plus important. Les familles pauvres considèrent l’enseignement non obligatoire comme une “ affaire de riches ”. Qui dit famille pauvre, dit famille nombreuse et donc plusieurs garçons en âge de prendre le chemin de l’école, autant de bras manquant pour assurer les travaux de la ferme. De plus, l’enseignement n’est pas gratuit. Lors de la séance du 12 décembre 1833, le conseil municipal fixe la contribution mensuelle à verser par les familles :
-1F50 pour les élèves qui apprennent à lire.
-2F50 pour ceux qui écrivent et apprennent l’arithmétique.
En 1843, on ajoute pour ceux qui étudient la grammaire, l’histoire et la géographie, une cotisation de 3 francs. Cette redevance rebute les familles peu aisées, à une époque où elles connaissent très souvent de très grosses difficultés pour vivre. Certains indigents sont reçus gratuitement. Chaque année, la municipalité fixe le nombre d’élèves bénéficiant de cette mesure. Les demandes étant plus importantes que le nombre fixé, la sélection se fait par tirage au sort. L’école entre cependant peu à peu dans les moeurs. En 1856, 37% des garçons de 7 à 13 ans fréquentent l’école, dix ans plus tard, 80% sont scolarisés. Le maître ne parvient pas à tirer un revenu décent de la cotisation versée par les familles et de l’indemnité allouée par la mairie. Souvent il exerce des tâches complémentaires, comme Pierre Daney également sabotier. Ses successeurs assurent presque tous, la fonction de secrétaire de mairie. A cette précarité, s’ajoute le fait que le traitement varie d’une commune à l’autre, celui-ci dépendant du nombre d’élèves et du bon vouloir des municipalités. Pour la plupart, en ce début du XIXe siècle, le fait d’être maître d’école représente une ascension sociale. A Bernos, les premiers instituteurs sont issus de familles modestes ayant dû faire d’énormes sacrifices, afin que leurs enfants aient une condition plus avantageuse quoique peu attrayante financièrement.

L'ÉCOLE DES FILLES : Pour les filles, deux écoles privées dont nous ignorons les dates de création,   fonctionnent en 1850. L’une dirigée par Mme Lescouzeres, accueille une quinzaine d’élèves; l’autre, avec à sa tête Marie Dubernet veuve Carrau, reçoit sept élèves. Toutes deux d’après les rapports de l’inspecteur primaire, sont médiocrement dirigées. Mme Lescouzeres arrête d’enseigner en 1853. Sa collègue fait dès lors la classe à une vingtaine d’élèves, nombre qui évolue très peu les années suivantes. En 1860, l’inspecteur primaire del’arrondissement de Bazas constate que la non scolarité des filles paraît avoir plusieurs causes : “ l’ignorance de la plupart des parents, leur indifférence absolue en matière d’instruction primaire et l’omnipotence exercée dans certaines localités par la fortune sur la médiocrité et l’indigence. L’enfant du colon, du métayer, devrait rester exclusivement assujetti à la glèbe. D’autre part, l’éducation domestique est essentiellement mauvaise, surtout dans les contrées boisées, où les familles dispersées çà et là, vivent dans un isolement complet . . .” Outre l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, les filles sont exercées aux travaux de l’aiguille, activité posant quelques problèmes “ vu l’ignorance des mères de famille qui ont fait un crime aux institutrices de vouloir exiger que leurs élèves apportassent à l’école du fil et des aiguilles à tricoter et à coudre, ajoutant qu’elles les avaient confiées pour leur apprendre à lire et à écrire seulement . . .” Depuis 1850, la loi oblige les communes de plus de 800 habitants à se doter d’une école de filles. Quinze ans après la promulgation de la loi Falloux, la municipalité se soucie du problème. Monsieur Bernos, propriétaire à Jarroudic,loue une maison permettant d’assurer la classe avec une chambre et une écurie pour l’institutrice. Après quelques petits travaux et la construction de lieux d’aisance, une dizaine de filles fréquentent l’école communale, alors que Mme Carrau en accueille 20 dans son école privée. les familles hésitent à confier leurs enfants à la nouvelle institutrice Mlle de Gastold, non originaire de Bernos. Son salaire vu la faible fréquentation de l’école est très modeste, 351 francs pour l’année 1867, alors que son collègue chez les garçons perçoit 1371 francs.

LA GRATUITÉ ET SES CONSÉQUENCES : En novembre 1866, le conseil municipal “ regrette d’être obligé de borner encore le chiffre des admissions gratuites et espère que la gratuité absolue donnera bientôt une extension féconde au bienfait de l’enseignement public et le fera ainsi pencher dans nos campagnes si peu favorisées jusqu’alors. . .” Un an plus tard, il décide la gratuité absolue à compter du 1er janvier 1868, dans les deux écoles communales et alloue un traitement fixe de 1000 francs à l’instituteur, de seulement 600 francs à l’institutrice. Ces salaires étant à la charge de la commune, on vote à nouveau une imposition extraordinaire en attendant une éventuelle subvention. La contribution mensuelle versée par les familles rebutait une grande partie de la population. En effet dès les années suivantes, le nombre des élèves augmente considérablement, passant de 40 à 80 chez les garçons. Le recensement de 1872 montre que sur les 1352 habitants que compte alors Bernos, environ 800 ne savent ni lire ni écrire, soit 59% des personnes de la commune. Parmi les jeunes qui auraient dû bénéficier de l’instruction primaire, 30% des garçons et 53% des filles sont analphabètes. Cet afflux de nouveaux élèves (en 1876 il y a 96 inscriptions chez les garçons et 80 chez les filles) engendre de nouveau des problèmes relatifs aux locaux. On pense alors à agrandir l’école des garçons et à édifier une nouvelle école des filles. Les dossiers traînent en longueur (recherche de terrain, problèmes budgétaires etc.). Des mesures provisoires doivent être mises en place, ainsi une partie des garçons suit la classe dans la mairie. Beaulac, grâce à l’industrialisation, se développe considérablement; ses habitants réclament une école. La municipalité fait difficilement face à tous ces problèmes, d’autant plus que des rivalités existent entre les personnes influentes de la commune et que Beaulac jalouse de plus en plus Bernos qui bénéficie de tous les services. Le curé s’en mêle et les relations église-école se détériorent : l’agent du culte va jusqu’à interdire à l’instituteur et aux élèves, l’usage du puits communal situé dans la cour du presbytère.

CONSTRUCTION DE L'ÉCOLE DES FILLES : Le problème pour les filles est le premier solutionné. Plusieurs options sont envisagées. L’extension de l’école des garçons pourrait en même temps permettre de créer des salles de classe contiguës pour les filles. Tollé général . . . . la majorité de la population voyant d’un très mauvais oeil le fait que garçons et filles fréquentent le même établissement. L’architecte, M. Flous, de Bazas,estime que cette solution entraînerait une importante économie pour la commune. Il faudrait cependant créer un préau spécial pour les filles, complètement séparé de la place publique qui servira toujours pour la récréation des garçons. En août 1874, les habitants de Beaulac adressent une pétition à la mairie. Ils désirent que l’école laïque de filles y soit construite. Au cours de la séance du 13 août 1876, certainement pour calmer les esprits, le conseil municipal vote la création d’une école de hameau dans ce quartier; projet qui ne verra jamais le jour. Au cours de la même réunion, on décide d’édifier l’école des filles au quartier de Jarroudic, sur le bord de la route de Bernos à Beaulac. Un membre fait remarquer que les ressources sont insuffisantes pour la construction. M. Darquey, maire, s’engage à avancer les fonds nécessaires. S’ensuit la recherche d’un terrain et diverses négociations avec des particuliers, qui n’aboutissent pas, ces derniers demandant des prix exorbitants. En août 1877, l’inspecteur d’académie s’adresse au Préfet et constate l’urgence de la construction. Le 17 février 1878, les plans de la nouvelle école sont soumis au conseil municipal mais le terrain n’est toujours pas acquis. En juin, on prépare le budget relatif à la nouvelle école. Le montant de la dépense s’élève à 20980 francs. Très vite, l’opposition municipale réagit et formule des critiques concernant le coût et l’emplacement retenu, éloigné du bourg et totalement isolé. Après enquête, le maire conclut en ces termes : "considérant que l’opposition au projet est peu sérieuse et provient uniquement de rancunes locales ou politiques qui n’ont pas leurs raisons d’être quand il s’agit d’entraver un projet aussi utile . . . Pierre Germain Courregelongue, marchand, adjoint au maire, cède à la commune la pièce de terre dite de Sarrepic, d’une contenance de 28 ares, pour le prix de 1000 francs.

Le Ministère de l’Instruction Publique accorde une subvention de 6000 francs. La commune contracte un emprunt de 8000 francs remboursable en 31 annuités auprès de la Caisse des Écoles. Le solde est assuré par les fonds propres de la mairie. En 1880, les filles de Bernos occupent les nouveaux locaux. Mlle Albinet, l’institutrice, prend possession du logement contigu. Quatre-vingts élèves prennent chaque jour le chemin de Sarrepic. L’institutrice ne peut seule en assurer la surveillance, aussi est-elle aidée par sa soeur, à qui la municipalité donne une allocation de 150 francs.

EXTENSION DE L'ÉCOLE DES GARÇONS : Pour les garçons, la situation n’évolue pas. Les terrains autour de l’école appartiennent tous à M. Roumazeilles, ardent opposant à la municipalité. Le nombre d’élèves ne cesse d’augmenter et un instituteur adjoint paraît vite nécessaire à l’inspecteur des écoles. On songe à acquérir la maison dite de Lacave, attenante à l’école. M. Roumazeilles fait traîner les choses, aussi reparle t-on en 1882 de construire un nouvel établissement à Beaulac. On pense, alors, acheter le terrain sur lequel se tiennent les foires. Mais, existe également à cette époque le projet de gare que le conseil municipal souhaite à proximité de Beaulac. Aussi, M. de Marbotin à qui appartiennent les terrains concernés par les deux projets, réserve-t-il sa réponse. Finalement,messieurs Roumazeilles et Darquey, maire, parviennent à un accord. M. Flous estime les immeubles devant faire l’objet d’un échange : Monsieur Roumazeilles cède la maison de Lacave et une petite parcelle . La commune laisse deux terrains devant les maisons de l’échangeur et verse une soulte de 1200 francs. Un acte notarié concrétise le tout, le 20 mars 1885. Durant l’été, M. Fages, maçon, réalise quelques travaux et dès la rentrée, la petite classe s’installe dans la maison dite de Lacave. Les années suivantes, quelques réparations s’imposent aux bâtiments. La municipalité fait faire un plancher, remanier les toitures etc.. sans cependant, faute de moyens, entreprendre les importants travaux nécessaires. En juin 1897, M. Darquey récapitule les frais occasionnés pour les deux écoles : . .la commune a fait depuis quelques années de grands sacrifices pour l’instruction primaire, entre autre l’école de filles qui a coûté 20500 francs, avec un secours de l’état de 6000 francs seulement. Par suite de la gratuité et de l’obligation de l’instruction primaire, l’école de garçons construite pour 40 ou 50 élèves au plus, a dû être appropriée pour en recevoir une centaine, ce qui a eu lieu au moyen d’un échange avec M. Roumazeilles. La commune a dépensé pour ce fait 1600 francs. L’appropriation de l’immeuble pris en échange pour y établir la petite classe et le logement de l’instituteur adjoint va coûter 1623 francs. Ce travail est en grande partie soldé mais non encore reçu . . .Ce qui fait que la commune a dépensé de ses deniers depuis 1860 . . . 17723 francs. Ces dépenses s’étalent sur 6 ans. Les recettes annuelles de la commune s’élèvent alors à environ 14000 francs. Ainsi sur la période considérée, la municipalité consacre 20% du budget aux bâtiments scolaires. Il convient de rajouter à ces sommes le traitement annuel des instituteurs non encore pris en charge par l’état et les diverses indemnités allouées aux enseignants pour l’achat de livres et de matériels, soit environ 1800 francs par an. Finalement presque 35% des ressources communales sont destinées à l’instruction primaire. Pour la municipalité, l’école est une priorité. Les "grands sacrifices" se font au détriment des autres bâtiments publics. La mairie n’a pas fait l’objet de restructuration depuis le début du siècle, l’église nécessite de nombreuses réparations.

LES TRAVAUX A LA FIN DU XIXe SIÈCLE A la fin du XIXe siècle, le nombre de naissances diminue dans la commune. En 1882, année où l’école devient obligatoire, 170 enfants sont scolarisables. Vingt ans plus tard seulement 120 élèves fréquentent les écoles communales. Durant cette période, le nombre de filles venant au monde est nettement plus important que celui des garçons. Cet état de fait contribue à déstabiliser les effectifs scolaires jusqu’alors équilibrés dans les deux écoles. Ainsi, dans les années 1890, on compte 80 filles pour 50 garçons scolarisés. En juin 1890, l’inspection académique supprime le poste d’instituteur adjoint et l’inspecteur primaire remarque “la nécessité absolue d’alléger la charge vraiment trop lourde de l’institutrice”. A nouveau, les locaux paraissent inadaptés . Chez les garçons, un seul maître surveille les deux classes totalement séparées. Chez les filles, une seule salle existe pour accueillir 80 enfants. En 1894, un membre du conseil municipal signale que “l’installation provisoire de l’école de garçons dure déjà depuis bien des années et propose de faire effectuer des études en vue d’un aménagement convenable, tant en ce qui concerne les salles de classe qu’en ce qui concerne le logement des maîtres” Vu les problèmes liés aux effectifs de chaque école, après de nombreuses discussions et diverses interventions auprès de l’inspecteur primaire, la municipalité demande le maintien de la deuxième classe à l’école de garçons et la création d’une autre classe chez les filles. Finalement, l’inspecteur primaire conclut à la création d’une classe enfantine à l’école des garçons, réunissant les enfants des deux sexes jusqu’à l’âge de huit ans. L’école des garçons fait alors d’objet d’un remaniement total. Les plans réalisés en 1895 sont approuvés par le Ministère de l’Instruction Publique en mai 1898. La commune consacre 6630 francs au projet. L’état accorde une subvention de 4060 francs. Un emprunt de 5835 francs couvre le reste de la dépense. Monsieur Braneyre, entrepreneur à Noaillan, réalise les travaux au cours de l’année 1899. Ceux-ci sont réceptionnés le 24 novembre. Malheureusement pour la commune, la classe enfantine, chez les garçons, ne reçoit les élèves que durant l’année scolaire. En effet, une décision du Ministre de l’Instruction Publique en date du 22 mai 1900, oblige à annexer la classe enfantine à l’école des filles et ce à compter du 1er octobre. La municipalité se trouve alors dans un embarras total et doit, après les importants travaux réalisés chez les garçons, modifier les locaux de l’école des filles, afin qu’une deuxième salle de classe existe. A cette époque, la mairie est transférée dans la deuxième salle de l’école des garçons. Les locaux scolaires ne semblent plus dès lors, subir de transformations importantes.

LES INSTITUTEURS AU XIXe SIÈCLE
BOUDEY Pierre de 1813 à 1830
Enfant d’une famille de petits propriétaires terriens, il naît à Bernos en 1778. Il exerce dès 1813 et est autorisé par le recteur d’académie le 17 décembre 1814. Maire de Bernos de 1813 à 1830.
ANDREU Thomas de 1831 à 1834
Fils de Sieur Pierre Andreu. Maître d’école en 1790. DANEY Pierre de 1834 à 1840 Né à Bernos, enfant d’une famille très modeste, il est autorisé par le recteur d’académie le 10.01.1833. Il enseigne jusqu’en 1840 et exerce parallèlement le métier de sabotier.
CARRAU Mathieu Germain de 1840 à 1850
Né à Gayan près de Tarbes, est autorisé par le recteur d’académie le 01.12.1832. Son père est instituteur à Brouqueyran. Il épouse Marie Dubernet fille d’aubergistes au lieu de Champignon. Avant d’être nommé instituteur public, il dirige avec sa femme une école privée au lieu de Jarroudic.
PINGUET Arnaud de 1860 à 1863
Il est le fils d’une famille très pauvre. En 1852 l’inspecteur primaire le juge ainsi : voué à sa profession par goût. Position de fortune plus ordinaire. Remplit ses fonctions avec zèle, dévouement et succès. Très considéré. Entretient de très bonnes relations . . .
LARTIGAUT Pierre de 1863 à 1884
Né à Bernos en 1837, petit-fils de Pierre Boudey, il est le fils d’une famille de petits propriétaires. Il fréquente l’école communale, alors sous la direction de Germain Carrau. Peut-être poursuit-il ses études au collège de Bazas avant de fréquenter l’école normale de Bordeaux qu’il quitte en septembre 1857, muni de son brevet de capacité. Nommé instituteur public à Cazalis le 01.01.1858, il exerce dans cette commune pendant 5 ans. Le 1er janvier 1863 il rejoint de poste de Bernos où il remplace Arnaud Pinguet. Très considéré, il refuse à plusieurs reprises l’avancement proposé, préférant vraisemblablement exercer dans sa commune d’origine. Comme la plupart des instituteurs à cette époque il remplit également les fonctions de secrétaire de mairie.
GIRESSE Bernard de 1884 à 1906 Né à Bernos en 1849, ses parents sont aubergistes au Jalla. Il suit la même voie que son prédécesseur Pierre Lartigaut. Son épouse, Françoise Fondeville, est institutrice chez les filles. Le couple quitte Bernos en 1906 afin de permettre à leur fille Edith, de poursuivre ses études à Bordeaux. Il enseigne successivement au lycée de Talence où il se trouve en 1913, puis au lycée Fontanes à Niort. Il décédera dans cette localité.
Ont exercé comme instituteurs adjoints
CALLEN Jean en 1875
BERNETEAU en 1882
LACROUTS en 1883
LUSSAC en 1884
LAFAGNE André en 1886
DUBOIS Pierre en 1890

LES INSTITUTRICES AU XIXe SIÈCLE
Pour les institutrices, il n’a pas été possible de récoler autant de renseignements que pour leurs collègues masculins. Mlle de GASTOLD, Mme CARRAU, Jeanne ALBINET, Marie SERVANT, Célestine FOCH, Marie DAURIS se succèdent à l’école des filles. Celle qui semble exercer le plus longtemps à Bernos est Jeanne Albinet, présente sur la photo de classe en 1882. Originaire de Cours-les-Bains, son passage à Bernos semble l’avoir fortement marquée. En 1920, elle lègue une somme de 2000francs à la commune qui devra la placer perpétuellement en son nom : les intérêts seront réunis chaque année par les soins de Monsieur le maire à la fin de l’année scolaire et remis au père et mère ou représentant légal de l’élève de l’école communale des filles terminant sa scolarité dans la classe la plus élevée et désignée par vote de ses compagnes de la même classe . . . . comme la plus méritante par son travail et sa conduite.

SOUVENIRS D'UNE ÉCOLIÈRE DU DÉBUT DU XXe SIÈCLE
Isabelle Fillol,dite Marthe, la mère d'Henri Portes coauteur du présent article, est née en 1896 et décédée en 1999 à 103 ans. Elle a vécu toute sa jeunesse dans le quartier de Taleyson. Elle nous a laissé de précieux souvenirs qui nous permettent de mieux connaître l'école vers 1900.
A l’âge de 6 ans, en 1902, Marthe prend le chemin de l’école. Les enfants du voisinage qui viennent de Poucet, de Taleyson, passent la chercher au Petit Menon, petite métairie aujourd’hui disparue et qui se trouvait attenante au Grand Menon. Le trajet se fait à travers champs jusqu’à Rideau, où les enfants rejoignent la route. D’autres viennent grossir le groupe. Ils passent par Bernos, où les garçons restent, tandis que les filles poursuivent leur chemin sur la route de Beaulac. A l’époque il n’existe pas de cantine, aussi chacun apporte son “panier” pour déjeuner. Le repas est pris dans une petite salle où sont alignés des bancs, sous la surveillance de l’institutrice. Les produits de la ferme composent le menu, suivant la saison. Pour se désaltérer, chacun a sa bouteille remplie d’eau et de vin. A la fin de l’année scolaire le vin se faisant rare, les parents rajoutent quelques gouttes de vinaigre pour éviter aux enfants de boire seulement de l’eau. Notre centenaire se souvient très bien que l’école des garçons vient d’être remaniée. Jusqu’alors, d’après elle, le bâtiment ressemblait davantage à une grange. Le logement de l’instituteur est accolé à la maison d’école. Son assistant occupe une pièce au rez-de-chaussée. L’instituteur assure également la fonction de secrétaire de Mairie. Il se restaure, à midi, dans un café appelé à “Caoussaille”, actuelle maison Braneyre, où sont servis quelques repas. Dans la classe de Marthe, il y a environ 30 élèves. Très peu poursuivent leur scolarité jusqu’au certificat d’études. La plupart quittent l’école au moment de la première communion, à l’âge de 11 ans. Quelques filles de familles aisées continuent cependant les études. C’est le cas pour mesdemoiselles Boudies, Darquey, Lartigaut, Domengie et Mallet. Jusqu’au brevet, l’enseignement est assuré à Bazas. Pour continuer les études il faut ensuite aller à Bordeaux, comme mademoiselle Giresse, fille des instituteurs de l’époque, qui quittent alors la commune. Outre l’enseignement classique, chaque semaine a lieu un cours de couture et un cours de chant. Après le départ de la famille Giresse, Monsieur et Madame Thomas enseignent à Bernos. Si monsieur Giresse laisse un excellent souvenir à ses élèves, ce n’est pas le cas de son épouse qui semble très influencée par les “châtelains”, qui admettent encore difficilement que les métayers soient éduqués. “Châtelains” dont les enfants, à de rares exceptions près, ne fréquentent pas l’école communale, mais sont instruits à domicile. Madame Thomas, en arrivant à Bernos, s’aperçoit que certaines filles ont un retard important. Un dimanche à la sortie de la messe, elle fait annoncer par le sacristain qu’elle donnera des cours gratuits, le dimanche après midi, pour combler les lacunes. Plusieurs enfants, dont Marthe, s’y rendent. Ce témoignage conforté par celui d’autres personnes âgées, nous donne une vision de l’école au début du siècle. Pour de nombreux enfants, le handicap majeur est le fait que le français n’est pas usité au domicile familial. A l’âge de six ans, lors de leur entrée à l’école, ils ont l’impression d’apprendre une langue étrangère. Le naturel revenant inconsciemment, les quelques mots employés en “patois” durant la classe, font l’objet de réprimandes sévères. Peu d’enfants poursuivent l’école jusqu’au certificat d’études. Les instituteurs voyant les bonnes capacités de certains élèves, se déplacent dans les familles, afin qu’ils soient présentés à cet examen. Dans la plupart des cas, ils essuient un refus des parents qui ne voient pas la nécessité d’obtenir ce diplôme. Même si en 1900, l’enseignement primaire est totalement entré dans les moeurs, la scolarité paraît être une gêne pour la plupart des familles.