Le château Libet
La tragédie tombée du ciel Histoire
Le château Libet,détruit en 1945, dominait depuis les hauteurs de Bernos le plateau landais et
la vallée du Ciron. Situé au centre d'un vaste domaine, le bâtiment principal
présentait plutôt l'aspect d'une importante maison bourgeoise. Devant la
demeure se trouvait une cour entourée par des communs, granges, écuries et
logement des colons. L'ensemble formait un rectangle clôturé par un mur au
centre duquel un grand portail permettait l'accès des voitures et charrettes.
Plus en avant encore existait, comme de nos jours, une vaste promenade plantée
de chênes et d'ormeaux. A l'arrière le parc était agrémenté d'une pièce d'eau
alimentée par une source. La porte d'entrée du logis s'ouvrait sous un arc
plein cintre avec, gravée sur la clé, la date de 1510. Un
fronton triangulaire surmontant l'ensemble, encadrait une pierre taillée, sur
laquelle auraient pu figurer les armes de la famille habitant les lieux.
L'incendie du château
Depuis sa construction en 1642, le château Libet
avait toujours été habité. Bien entretenu il continuait à braver les siècles,
lorsqu'il fut anéanti le 29 août 1945, peu après 10 heures par un incendie
provoqué par la chute d'un avion.
(par Henri Portes et Jean Michel Solans 1999)
A l'intérieur, autour d'un large
vestibule, se répartissaient les pièces d'habitation. Un monumental escalier de
pierre construit dans une tour restée inachevée, permettait d'accéder à
l'étage. Dans les différentes pièces on
remarquait d'imposantes cheminées, dont une décorée d'un tableau représentant
une scène de chasse, qui, fit l'objet d'un article spécial dans l'acte d'achat
par la famille Cazenave en 1890 : la cheminée en bois sculpté avec la
peinture qui se trouvent au salon et qui ne sont pas scellées sont comprises
dans la vente.
Edouard Guillon qui
visita le château en 1866, mentionne la présence de curieuses armoires dont une
imitant la façade de Saint-Jean-de-Bazas.
Aucun événement marquant n'aurait dû se
produire ce jour-là à Bernos. Au château, madame Antoinette Espagnet, veuve de
Félix Cazenave vaque à ses occupations de maîtresse de maison ; âgée de 76 ans
elle est encore très alerte. Son amie d'enfance, madame Sireizol, se trouve
dans le salon du rez-de-chaussée; elle habite Bordeaux mais vient passer l'été
à Libet. Monsieur et madame Maubaret, locataires de deux pièces situées au
rez-de-chaussée, sont sortis : lui exerce les fonctions de cantonnier dans la
commune, tandis qu'elle jardine derrière le château.
Lors de
l'enquête de gendarmerie,plusieurs
personnes apporteront leur témoignage: Pierre Darcos, 48 ans, résinier
demeurant à Marimbault, travaille dans les bois au moment des faits; Abel
Daubagin, 39 ans, résinier, demeurant à Pompéjac,
gemme en forêt; Pierre Saumon, 51 ans,
meunier à la Barie,se trouve au moulin;
Justin Lacrotte, 61 ans, métayer à Libet,
est au devant de sa maison séparée du parc du château par la route; Jean
Rouchaley, 69 ans, ouvrier papetier demeurant à Bernos,
se trouve dans un champ à proximité du
château; Charles Seillier, 38 ans, cultivateur à la Barie
travaille les terres lui appartenant, à
quelques centaines de mètres de Libet; Maurice Mauquin, 42 ans, facteur à
Marimbault.
A l'époque, le
ciel n'est pas sillonné d'avions comme de nos jours. Un lointain ronflement de
moteur fait lever les yeux et sortir les gens des habitations. Les témoins ont
vu un appareil survolant la forêt à basse altitude, se dirigeant vers l'ouest
en direction de Beaulac. Il laisse échapper de la fumée sur le côté droit,
oscille par rapport au plan horizontal et descend à vue d'œil. Il fait un
demi-tour au-dessus de Beaulac pour revenir sur la vallée du Ciron et
finalement prend la direction de Libet, toujours en perdant de l'altitude.
Justin Lacrotte le voir passer à une vingtaine de mètres au dessus de lui. Dans
l'instant qui suit, l'avion décapite plusieurs arbres du parc du château pour
finalement s'écraser contre la façade du bâtiment. Une forte explosion se
produit et l'incendie se déclare aussitôt. M. Seillier arrive le premier sur
les lieux, accompagné de son neveu. Mme Cazenave échappe aux flammes en passant
par la fenêtre du débarras, mais inquiète du
sort de Mme Sireizol, elle entre dans la partie non encore atteinte par
l'incendie. M. Seillier la rejoint en passant par une fenêtre. Il enfonce la
porte du salon derrière laquelle se trouve Mme Sireizol grièvement brûlée mais
prononçant encore quelques paroles. Le docteur Langeard de Bazas qui se trouve
à Bernos arrive en même temps que le docteur Soubiran. Il constate que la victime
ne pouvait survivre à ses blessures. Elle décède à l'hôpital de Bazas le même
jour vers 14 heures.
Les pompiers de Bazas arrivent
sur les lieux vers 12 heures et ne peuvent que noyer les décombres. Avant
l'embrasement général, une équipe de sauveteurs locaux a procédé à l'enlèvement
de quelques objets. Les quatre militaires qui se trouvent dans les débris de
l'avion ne sont dégagés que vers 15 heures. Les corps sont entièrement
calcinés.
L'avion, un bimoteur Heinkel 88,
a décollé de la base de Cazaux. L'équipage appartient au groupe de bombardement
1/31 de cette base. Il est composé des membres suivants : Jean Paul Henri
Maire, né à Tunis le 19 juin 1911, lieutenant mécanicien, domicilié à Arles
(Bouches-du-Rhône), marié; Elie Robert Dumarc, né le 21 avril 1916 à
l'Isle-Jourdan (Gers), adjudant pilote, domicilié à Castelnau Barbarens (Gers),
célibataire; Jean Pierre Alfred Vaquier, né le 16 novembre 1919 à
Farges-en-Septaine (Cher), sergent-chef mitrailleur, domicilié à Marseille
(Bouches-du-Rhône),marié; Pierre Paul Henri Mourrut, né le 22 août 1921 à
Cahors (Lot), sergent mécanicien, domicilié à Toulouse (Haute –Garonne),
célibataire. Ils sont inhumés provisoirement à Bernos avant que leurs corps ne
soient transférés au lieu de leur domicile. A la mairie de Bernos chaque acte
de décès porte la mention "mort pour la France".
En cette période de fin de
guerre, la presse est limitée dans ses moyens d'information : faible réseau de
correspondants, difficultés de communications, pénurie de papier… et ce n'est
que le surlendemain de l'accident que le quotidien Sud-Ouest publie un
entrefilet ainsi rédigé : Dans le bazadais un avion tombe sur un château;
quatre morts (sic). Langon 30 août- Jeudi matin à Beaulac-Bernos un avion
Junker 88 de la base de Cazaux, est tombé sur le château Libet. Il y a quatre
morts, dont un officier et une habitante du château qui a été brûlée vive et
est morte à l'hôpital de Bazas. Le château est entièrement brûlé; il y a
quelques millions de dégâts.
Bernos venait de perdre une partie
importante de son patrimoine.